in Courrier de Paris
En juillet 1953 nous était emporté l’un des esprits les plus rares et les plus purs de son époque. Il ouvrit vers 1933 sa galerie d’art « Gravitations » où il· exposait ses tableaux et ceux de ses amis. Bientôt après, l’on pouvait le tenir pour chef de groupe, sinon pour chef d’Ecole, car il avait rassemblé une dizaine de peintres de qualité et exposé ses intéressantes· théories.
Sa peinture présente une originalité incontestable et s’est renouvelée plusieurs fois, ce qui indique la richesse de son tempérament. Son caractère ésotérique n’appartient qu’à lui, et il charme les connaisseurs, car il est dépourvu de toute extravagance. Louis Cattiaux était aussi penseur et écrivain de bonne roche. Il suffit de consulter son ouvrage Les Poèmes du Fainéant pour s’en convaincre et son deuxième ouvrage, présenté sous forme de versets, est d’une importance capitale au point de vue de la pensée.
Madame Louis Cattiaux vient de publier un troisième recueil intitulé : Poèmes alchimiques tristes suivis de Zen, d’Avant, de la Résonance, de la Connaissance
Les lecteurs de cette revue savent que « Zen » est un mythe. C’est le surnom que reçut Jupiter après sa mort, parce qu’ayant parcouru la terre durant sa vie pour policer le monde et récompenser les bons, il avait procuré aux hommes une vie douce et tranquille.
Le livre dont nous parlons comprend des pensées remontant avant 1930 et elles préfiguraient déjà le beau talent que l’écrivain regretté porta à son plus haut, période « dans les climats pourris qu’on nomme tempérés, les arbres se lamentent aux printemps avariés, les oiseaux sidérés piétinent tous les vases, les chansons mort-nées se perdent dans les glaces, et les pensées errantes ne savent où se poser ».
Si c’est la première manière de Louis Cattiaux, il semble qu’elle mérite l’approbation. Dans Les Poèmes de la Résonance, nous relevons cet aphorisme d’intense poésie à « une morte » :
« Perles de la princesse aveugle, étalées sur la pourpre des baisers d’au-delà, je vous contemple enfin sans reflet de moiteur, dans cette aridité où plus rien ne sourit ».
Voilà un aperçu de la forte personnalité que nous avons perdue. Écoutez son apostrophe « aux Savants » :
« Après avoir longtemps torturé la nature, et soufflé sur le feu qui jugera l’impur, ils eurent le moyen d’anéantir la terre, mais aucun ne savait soulager nos misères ».
Ce jugement n’est-il pas celui d’un philosophe inspiré par les sphères des idées justes et profondes ? À sa précieuse femme Henriette, il s’exprime ainsi :
« Ce doux air de musique me chavire le cœur, dans la chambre déserte où j’exerçai ma solitude ».
Les bons poètes ne sont pas oubliés, d’une façon générale, et notre confrère Jean Rousselot en particulier.
Nous nous empressons de signaler le recueil posthume de Louis Cattiaux, qui sera vite enlevé par l’élite des amateurs soucieux d’enrichir leur bibliothèque de ce qu’il y a de plus artistiquement humain et de plus dégagé tout ensemble car l’auteur méditait seul sur la montagne, d’où s’élèveront les cris déchirants de Frédéric Nietzsche, qui fut l’un des personnages les plus polis de son temps, cette politesse qui auréolait, si l’on peut ainsi parler, le noble front de Louis Cattiaux lequel laisse un vide fort regrettable par sa mort à l’âge de 48 ans.
