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Le message prophétique de Louis Cattiaux

Ce Message Retrouvé n'est pas une spéculation sur ce qu'est Dieu, c'est le reflet de l'expérience de Dieu, et par conséquent, une prophétie.

LE MESSAGE PROPHÉTIQUE DE LOUIS CATTIAUX (1954), par Emmanuel d'Hooghvorst

Scaphandrier ivre de toutes les douleurs, j’erre tristement vêtu de la peau des bêtes, dans ce monde exilé des grandes pesanteurs, où les hommes, éteints par la chute, s’entêtent.

Inconnues 9

Une logique obscure et certaine semble conduire ce monde vers un but inconnu, mais assurément catastrophique. L’optimisme naïf du siècle passé a fait place peu à peu à une grande inquiétude, souvent inconsciente chez les millions d’individus qui composent notre civilisation, une inquiétude se manifestant d’ordinaire par une instabilité croissante et une révolte générale des esprits et des cœurs. Comme ces grands fleuves qui se dessèchent en avançant dans le désert, les sources de la vie semblent se tarir au fur et à mesure qu’augmente l’intelligence de l’homme ; nous voulons parler de sa malice, de cette lumière froide comme celle de nos lampes électriques qui éclairent sans chaleur comme des feux morts. Il existe une autre intelligence, la vraie, qui vient à l’homme par ses antennes, non pas celles de la radio ni de la télévision, mais ses antennes naturelles qui lui permettent de communiquer avec la source profonde de la vie cachée en la nature, pour le ramener progressivement vers la lumière vivante et nourrissante.

Les grands troupeaux sauvages dans les steppes n’ont pas d’appareil de radar, mais ils ont des guides auxquels ils obéissent et qu’ils suivent. Ce sont généralement les individus les plus anciens et les plus avisés, ceux qui possèdent les antennes les mieux aiguisées. Ce sont eux qui prévoient les orages et les cyclones, eux qui savent, suivant les saisons, où se trouvent les meilleurs pâturages, eux, enfin, qui éventent les pièges et flairent le danger. Ce sont les voyants du troupeau, et le troupeau les suit en sécurité. Mais nos antennes à nous se sont atrophiées au point d’être devenues comme ces organes morts, vestiges inutiles d’une humanité révolue. Bientôt, elles n’existeront plus du tout. Nous ne nous sentons d’ailleurs plus en sécurité nulle part. Ne s’applique-t-elle pas à notre époque, plus qu’à toute autre, cette parole du prophète Isaïe :

IHVH a répandu sur vous un esprit de léthargie ; il a fermé vos yeux, les prophètes, il a jeté un voile sur vos têtes, les voyants (Isaïe 29, 10).

Et si par hasard, il se trouvait encore parmi nous un individu ayant gardé intacte cette faculté si précieuse de s’abreuver à longs traits à la source des eaux pures du Soleil et de la Lune, ou qui l’aurait retrouvée à la suite d’une longue quête, quel sort lui ferions-nous ? Quel sort lui ferions-nous s’il se révélait à tous tel qu’il est, c’est-à-dire psychiquement et physiquement si différent ? Le soumettre aux bienfaits de la psychanalyse dans le but, louable assurément, de le réadapter ? Cattiaux, mon ami, ton obscurité dans le monde et son aveuglement te furent une étrange sauvegarde !

Peut-être existe-t-il encore sur la terre endormie quelques hommes veillant et interrogeant les astres comme les mages d’autrefois. C’est pour eux que nous avons écrit ces lignes, pour eux seuls, car ils ont reçu ce don du ciel de pouvoir CROIRE LINCROYABLE. Ils nous sont inconnus, dispersés dans les ténèbres. Cependant, et sans le savoir, ils brillent comme des vers luisants reflétant, sur la terre obscurcie, la clarté des étoiles. Peut-être les anges de Dieu viendront-ils les cueillir un à un pour les rassembler dans le tablier de la Vierge avant la grande tribulation qui vient certainement, cette grande tribulation si souvent annoncée, toujours différée, mais dont la proximité semble de plus en plus évidente à ceux qui sont encore capables d’attention.

Louis Cattiaux vivait à Paris, rue Casimir-Perier, à l’ombre de l’église Sainte-Clotilde, en face d’un petit square paisible et provincial. Il mettait sur ses cartes de visite : « Louis Cattiaux, poète, peintre et mire ». Dans sa boutique mystérieuse à front de rue, il peignait des toiles étranges et magnifiques, des vierges hiératiques, entourées de symboles oubliés. Il les peignait dans une matière riche, dense, colorée à l’extrême. Il disait avoir retrouvé le secret de l’antique matière picturale des frères Van Eyck, ce secret du métier que les peintres d’autrefois se transmettaient de bouche à oreille et de maître à disciple. Son art relevait du sacré, ses toiles ressemblaient à des pentacles, aussi passait-il pour magicien. Il était guérisseur aussi et procurait à ceux qui lui en demandaient, de mirifiques pommades lesquelles n’étaient pas sans effets curatifs.

Sa toute petite boutique, magiquement décorée, semblait enclore tout l’univers. On y respirait le parfum de quelque jardin d’Éden très intérieurement gardé ; on y revenait souvent, sans trop savoir pourquoi, peut-être simplement aimanté par la chaleur. Car une chaleur jamais approchée encore, une chaleur qui était tout autre chose que la cordialité ordinaire, émanait de cet homme, et aussi comme le pressentiment d’un immense secret, vivant, mais jalousement celé, comme le poisson philosophique nageant en eau profonde. Il vivait candidement, sobrement, pauvrement aux yeux des hommes, gai, joyeux comme les enfants, et comme eux, sans malice. Il vivait en bon père de famille entre sa femme qu’il aimait et son fils qu’il caressait souvent, avec tendresse. Car il avait un fils, cet homme, un fils qui répondait miaou avec tant de grâce quand son père le prenait dans ses bras et le cajolait amoureusement en lui disant : « Gros Jésus ! » Un chat magique, bien entendu !

Ses amis se demandaient : « Qui est-il ? » et sans pouvoir répondre précisément à la question, ils se disaient pourtant : « Il n’est pas comme nous ». Cattiaux, quelle était donc cette vie secrète qui resplendissait en toi ? Avais-tu découvert le joyau d’éternité ? Avais-tu percé l’énigme de ce monde ?

Voulez-vous savoir ce qu’est ce monde ? disait Cattiaux. Imaginez un camp de concentration modèle ; c’est une image qui nous est devenue familière, un camp de concentration conçu et réalisé d’après les dernières découvertes de la technique et de la science psychologique, où le travail, parfaitement inutile d’ailleurs, serait rationalisé au plus haut point, mais surtout, où chaque prisonnier serait son propre gardien et celui de son voisin :

Qui est le plus grand parmi les prisonniers de la geôle ténébreuse et puante ?
– Qui est le plus estimable parmi ceux qui pourrissent dans le cul-de-sac de la mort ?
– Quel est le plus connu, mais quel est le meilleur ?
– Quel est le plus honoré, mais quel est le plus utile ?
– Quel est l’intelligent, mais quel est le saint et quel est le sage ?
– Quel est le sauvé, et quel est le sauveur ?
– Qui sert, et qui est servi véritablement ?

Celui qui partage son pain, ou celui qui le fait pour tous ?
– Celui qui nettoie la geôle, ou celui qui l’organise ?
– Celui qui console, ou celui qui soigne ?
– Celui qui prie pour la délivrance de tous, ou celui qui souffre avec les damnés ?
– Celui qui se révolte dans l’esclavage, ou celui qui s’y installe ?
– Celui qui prêche la bonne conduite, ou celui qui montre l’issue cachée ?
– Celui qui veut forcer les serrures de la mort, ou celui qui recherche la clef qui les ouvre toutes ?

(MR, XVIII, 10 et 10’)

Louis Cattiaux se qualifiait volontiers de « fainéant de Dieu », de ce Dieu qui a tout créé de rien. Mais la recherche de ce Dieu, tant qu’on ne l’a pas trouvé, est le travail le plus pénible et le plus douloureux qui soit au monde. Dieu n’est-il pas le bon à rien que nous cherchons et que nous trouverons effectivement quand nous serons nous-mêmes réduits à rien, du moins quant à nos écorces ténébreuses ? Le « cœur broyé comme de la cendre » dont parle l’Écriture (Psaumes 44, 26) n’est pas une image de style.

Celui qui rejoint le Seigneur de vie ici-bas est comme un fainéant que tous les travailleurs du monde ne sauraient égaler avec tous leurs travaux.

Quel travailleur celui qui n’a de répit ni jour ni nuit dans la quête de la vie impérissable ! Quel fainéant celui qui repose dans l’unité vivante de l’Unique !

(MR, XXV, 1 et 1’)

Si Cattiaux s’était mis si passionnément à la recherche de l’Unique, c’est parce qu’il ne savait que faire, au juste, dans ce qu’il appelait notre exil d’ici-bas, où il se sentait tout dépaysé et auquel il n’avait jamais su s’adapter. Ce n’est pas sans raison que nous pleurons au moment de notre entrée dans cette geôle concentrationnaire et que notre premier cri fut un cri de douleur. Bien qu’il eût courageusement supporté les travaux, les fatigues, les déceptions, les patientes recherches d’un peintre parisien pauvre, ignoré, sans appui, Cattiaux avait honte de travailler dans le monde et pour le monde. Ses qualités naturelles, estimait-il, le prédisposaient à vivre dans le jardin d’Éden, exclusivement. Toute sa révolte intérieure, il l’avait tournée vers ce qu’il appelait un égarement lamentable, à la suite duquel il était venu s’incarner ici-bas. Il considérait comme vain tout le travail mondain lorsqu’il allait au-delà du maintien de la vie incarnée ; aussi était-il considéré lui-même par presque tous comme vain et inutile :

Vous avez perdu votre vie, disaient-il en regardant mes mains vides ; et personne n’entendait le dieu qui chantait dans mon cœur.

Vers la fin de sa vie, nous l’avons entendu répéter souvent cette phrase d’un maître soufi :

Je ne demande plus qu’un pré où la folie puisse s’ébattre à son aise.

Ce fainéant a quitté ce monde à Paris, à l’âge de 49 ans, le 16 juillet 1953, à la suite d’une « étrange et fulgurante maladie » que rien ne faisait prévoir. Il avait accompli sur cette terre une œuvre que le temps se chargera de déployer au grand jour.

Son œuvre picturale à elle seule mériterait une longue étude. Il avait condensé son expérience artistique dans un livre encore inédit, Physique et métaphysique de la peinture .

Il nous laisse des poèmes dont la profondeur nous étonne : Les Poèmes zen, Les Poèmes du fainéant, Les Poèmes tristes qui portent en épigraphe : « L’athlète qui se déshabille devant une assemblée de bossus, ne doit pas s’attendre à des compliments » ; Les Poèmes de la résonance, Les Poèmes de la connaissance, Les Poèmes alchimiques enfin, dont voici un extrait :

Au Joyau
Antique solitude des forêts primordiales,
où brille l’émeraude émanée des étoiles,
celui qui vous trouva possède le secret divin,
qu’un maître certain nous légua dans le pain et le vin.

C’est de son œuvre principale, surtout, Le Message Retrouvé, que nous voudrions parler aujourd’hui. Peut-être faudra-t-il attendre encore avant que ce Message Prophétique puisse briser le mur d’indifférence qui l’enserre et se répandre dans le monde. Cette œuvre mûrie pendant quinze ans dans le silence et l’abandon, nous livrera-t-elle le secret de cette vie en apparence inutile ?

Nous ne sommes pas venu dans une famille riche, et nul ne nous a instruit des mystères de Dieu. Il nous a fallu découvrir tout seul les sages et saintes Écritures et il nous a fallu les étudier dans la pauvreté et dans l’abandon, afin que nul ne se croie oublié, quel que soit son état ici-bas.

Nous n’avons pas écrit le Livre dans la paix et dans la sécurité d’une sainte retraite. Nous l’avons écrit de bout en bout au milieu du cloaque en fermentation de la grande ville, afin que nul ne se croie abandonné, quelle que soit sa situation ici-bas.

(MR, XXVII, 57 et 57’)

C’est à dessein que nous avons parlé d’un Message Prophétique. Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier un livre si singulier, si original par le fond comme par la forme, nous voulons dire, d’origine si évidente. Le prophète en effet est un original au sens le plus précis qu’on puisse donner à ce terme. C’est certainement sous cet aspect-là, transcendant tous les autres, que la figure de Louis Cattiaux se dessinera de plus en plus fermement dans l’avenir.

Peu de jours avant de quitter ce monde, il écrivait dans le XXXXe et dernier livre du Message Retrouvé :

J’irai à toi, les mains remplies de ta vendange et le dos courbé par le poids de ta moisson, et ma joie sera de recevoir ton baiser de vie et de le communiquer aux enfants que tu m’as confiés, ô Seigneur qui combles la sainte obéissance.

J’irai à toi, le cœur purifié et l’esprit clair dans ton corps ressuscité, si tu m’envoies ton salut dès ce monde, Seigneur d’amour et de connaissance vrais ; car seule ta splendeur est reçue par ta splendeur, et seule ta sainte unité se fond dans l’Unique.

(MR, XXXX, 1 et 1’)

S’il faut en croire l’apôtre Paul, l’exercice de la mission prophétique doit se poursuivre aussi longtemps que la chrétienté, c’est-à-dire jusqu’à la fin des temps. N’a-t-il pas écrit en effet : « Aspirez au don de prophétie comme étant le plus excellent » ? (Cf. I Corinthiens, XIV, 1). Son excellence même ne le désigne-t-elle pas comme la réalisation chrétienne la plus parfaite ? Cependant, pour des raisons qu’il serait trop long d’examiner ici (Cf. à ce sujet, R. Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps, cit.), ce don du Saint-Esprit devient de plus en plus rare au fur et à mesure que l’humanité poursuit sa course descendante laquelle devra se terminer à la fin du cycle présent par un nouveau déluge (Raymond Abellio s’est préoccupé de cette question dans un livre récent. Nous y reviendrons plus loin : R. Abellio, Vers un Nouveau Prophétisme, N.R.F., s.l., 1953). Il devient si rare parce qu’il y a de moins en moins d’hommes qualifiés pour le recevoir, le garder et le mûrir. Et nous ne savons plus même, en général, ce qu’est un prophète ni en quoi consiste sa mission. Peut-être le simple énoncé de ce mot fera-t-il sourire. Nous n’avons personne à convaincre. Il suffit que quelques-uns se reconnaissent et se retrouvent. Mais il nous a été recommandé aussi d’éprouver les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu. Dans les derniers temps surtout, les faux prophètes deviendront nombreux et séduisants ; de fait, il y en a beaucoup de nos jours. Peut-être Le Message Retrouvé nous donnera-t-il l’occasion d’exercer notre jugement et de distinguer le vrai du faux.

Nous soumettant d’avance au jugement de Dieu, au jugement des fils de Dieu, au jugement des amis de Dieu et au jugement des prophètes de Dieu, nous ne pouvons craindre le jugement des intelligents du monde, ni celui des puissants du monde, ni celui des savants du monde, ni celui des hypocrites et des ignorants qui nous enterrent à présent (MR, XXVII, 49’)

Cette candeur si inattendue, cette absence totale de malice dans l’expression, ont quelque chose de choquant au XXe siècle. Elles ne peuvent s’expliquer si elles sont vraies, et c’est au lecteur d’en juger, que par la possession d’un immense secret ; car la candeur vraie de l’homme redevenu enfant est une gnose qui se garde. Nous avons fait allusion plus haut à une image qui n’est certes pas neuve, celle de ce monde considéré comme une prison modèle. Cattiaux en était bien pénétré ; toute sa vie ainsi que ses écrits en sont un témoignage. Mais s’il l’avait redécouverte en lui et hors de lui, ce n’est pas qu’il ait fait ici-bas l’expérience tragique dont nous parle l’auteur de La Vingt-cinquième Heure, par exemple. Les personnages de Gheorghiu ne se seraient sans doute jamais plaints de leur lot ici-bas, s’ils n’avaient été entraînés, malgré eux, dans cet abominable drame des camps de concentration, des internements administratifs, des libérations automatiques. Cattiaux menait apparemment la vie d’un bourgeois de Paris, d’un bourgeois qui serait un peu magicien, il est vrai, artiste et original, mais enfin, d’un homme qui n’avait guère quitté son quartier, menant la vie de tous les jours à l’abri de ces grandes tornades sociales et politiques qui ont plongé des millions d’hommes dans le désespoir et la révolte. Le conflit qui s’était noué en lui était beaucoup plus profond. C’était le drame du combat avec l’ange. Celui qui l’entreprend ne le peut terminer avantageusement qu’en s’accordant avec son adversaire, à la fin de cette longue nuit d’angoisses,

à l’heure où les géomanciens voient s’élever à l’orient leur fortune Majeure, par une voie qui peu avant était obscure (Dante, La Divine Comédie, Purgatoire, XIX, 4 à 6).

C’est alors que l’exil d’ ici-bas devient cruel pour ce vainqueur-là, quelle que soit sa position dans le monde de la dissemblance ; où trouvera-t-il désormais des alliés et des amis ? Il semble que l’écrivain sacré, dans les premières pages du livre de l’Exode, ait voulu nous donner un raccourci de toute l’histoire du monde et de la mission prophétique, lorsqu’il nous parle de la descente en Égypte des enfants d’Abraham, du pénible séjour qu’ils y firent et de leur sortie, enfin, sous la conduite de Moïse. C’est encore l’apôtre Paul qui nous le dit : Ce qui est écrit l’est pour nous instruire et pour nous servir d’avertissement (I Corinthiens, x, 11).

Les enfants d’Israël descendus en Égypte avec Jacob leur père, nous dit l’Écriture, y devinrent puissants après la mort de Joseph et se multiplièrent. Remarquons tout d’abord que, dans cette paternité, le texte sacré nous suggère l’existence d’un mystère :

Le nombre d’âmes issues de la cuisse de Jacob était de soixantedix (Exode, I, 5. Vulgate : Erant igitur omnes animæ eorum qui egressi sunt de femore Jacob septuaginta).

Ce sont ces soixante-dix âmes qui vinrent en Égypte avec Jacob. Elles se multiplièrent ensuite, après la mort de Joseph.

Après sa mort, les fils d’Israël se mirent à croître, et, comme germant, se multiplièrent […] (Exode, I, 7. Vulgate : Quo mortuo […] filii Israel creverunt et quasi germinantes multiplicati sunt […]. Cette image fait penser au travail du ferment ou du levain dans la pâte ou à celui du grain de blé dans la terre.),

Comme s’il fallait que Joseph mourût pour provoquer la germination et la croissance de ses descendants. Parallèlement à cette croissance, d’ailleurs, un autre phénomène se produisit : il s’éleva sur l’Égypte un nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph, et les Égyptiens établirent sur Israël des chefs de corvée afin de l’accabler par des travaux pénibles et vains. Ils le soumirent à la contrainte, lui rendant la vie amère, en le faisant travailler rudement le mortier et la brique (Cf. Exode, I, 8 et sv.).

Ces choses-là n’ont pas été écrites dans un but historique, écrit Origène (Origène, Homélies sur l’Exode, trad. P. Fortier s.j., coll. Sources Chrétiennes, Cerf, Paris, 1947. Cf. aussi Romains, I, 18 et Luc, XI, 52.), n’allons pas croire que les livres saints nous racontent l’histoire des Égyptiens. C’est pour que toi qui écoutes, tu saches reconnaître qu’il s’est levé en toi un nouveau roi qui ignore Joseph. C’est un roi d’Égypte, il te force à t’employer à ses entreprises, il te fait travailler pour lui la brique et le mortier. Il t’impose contremaîtres et surveillants, il te conduit sous le fouet et la verge à des travaux de terre, il veut que tu lui bâtisses des villes. Il te fait parcourir le siècle, troubler terres et mers par l’appât du gain. C’est ce roi d’Égypte qui te fait piétiner le forum pour des procès, disputer avec les tiens pour une motte de terre, commettre chez toi des turpitudes, des cruautés au-dehors, des infamies à l’intérieur de ta conscience. T’aperçois-tu que tu commets de tels actes ? Sache que tu combats pour le roi d’Égypte, c’est-à-dire que tu agis sous l’impulsion de l’esprit de ce monde […].

C’est l’opposition des deux royaumes, celui de la lumière et celui des ténèbres dont le prince est déjà jugé par la vanité de ses œuvres. Au fur et à mesure que la lumière d’Israël, s’éloignant de sa source, germe et croît, il se produit autour d’elle, comme par réaction, un durcissement de la coque qui l’enveloppe, une incarnation dans une matière de plus en plus grossière, l’opprimant, l’étouffant, s’opposant aveuglément à sa manifestation dans le monde.

Quand les sourds et les aveugles dominent dans le monde, les méthodes grossières prennent le pas sur les méthodes subtiles […] (MR, XXVIII, 11)

écrit l’auteur du Message Retrouvé ; c’est aussi la raison pour laquelle les hommes subtils se trouvent dans le monde prisonniers et exilés. Cherchons précisément à savoir qui sont, ici-bas, les Israélites opprimés. Tous ne sont pas descendants des patriarches, mais seulement ceux « qui vinrent en Égypte avec Joseph ». Ceux-là sont mêlés aux Égyptiens comme le bon grain à l’ivraie, et rien ne les distingue en apparence, rien, si ce n’est leur désir secret, car « nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les songes » a dit Shakespeare paraphrasant à sa manière cet enseignement des Épîtres : « La foi est la substance des choses qu’on espère » (Hébreux, XI, 1.). Les vrais Israélites ne le sont donc pas selon la chair mais selon l’esprit (Jean, I, 47 : « Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a nul artifice »).

La faute, c’est laisser dans l’abandon et dans le dénuement les chercheurs de Dieu. Mais le crime, c’est de les contraindre aux travaux du monde sous le prétexte hypocrite de les utiliser ou de les sauver. (MR, XXVII, 50’)

Aussi Dieu dit-il à Moïse dans le buisson ardent :

J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte et j’ai entendu le cri que lui font pousser ses exacteurs car je connais ses douleurs […]. Le cri des enfants d’Israël est venu jusqu’à moi et j’ai vu l’oppression que font peser sur eux les Égyptiens […]. Et maintenant, va, je t’envoie auprès de Pharaon pour faire sortir mon peuple, les enfants d’Israël (Exode, III, 7 à 10).

Et du sein du buisson ardent, IHVH communique à Moïse son Nom. Cette scène du livre de l’Exode nous instruit des mystères de la vocation prophétique. Vers qui Dieu envoie-t-il le prophète ? Vers son peuple qui est en Égypte. Quel est ce peuple ? Ceux qui gémissent et qui crient vers Dieu. Quelle est la mission du prophète ? Faire sortir ce peuple et le conduire en terre sainte. Comment va se faire cette reconnaissance entre le prophète et ceux vers qui il est envoyé ? Moïse se fait reconnaître tout d’abord des Anciens, c’est-à-dire des chefs spirituels du peuple, grâce à certains signes.

Mais là n’est pas l’essentiel, car Jésus se plaignait amèrement de « cette génération méchante qui demande un signe » (Marc, VIII, 12). Il y a surtout certaines affinités mystérieuses entre la Parole et ceux à qui elle est adressée, et ici, nous touchons aux mystères du choix, qui sont aussi ceux de notre liberté. « Ils écouteront ta voix » (Exode, III, 18), dit Dieu à Moïse. Les miracles et les prodiges exécutés au grand jour par Moïse avaient pour but de contraindre le Pharaon, d’ébranler la puissance de son empire sur Israël, non de le sauver. Les miracles de Jésus avaient, eux, pour but de réconforter les croyants et de les confirmer dans leur foi, et nous lisons que là où il n’y avait pas de foi, il n’y avait pas de guérison non plus. L’envoyé de Dieu ne se présente pas de façon à forcer les regards. Aucun signe, aucun vêtement particulier, aucune auréole de lumière profane ne le désigne à notre attention. Tout cela est inutile, car il ne va pas au monde, mais dans le monde, vers les siens, simplement : vers ses frères qui sont en Égypte.

Me voici […], je parle et votre âme frémit, en reconnaissant d’anciennes paroles : une voix qui est en vous et qui s’était tue depuis longtemps, répond à l’appel de la mienne […] (Cagliostro devant ses juges).

Christ est unique en Dieu certainement, mais ses formes sont multiples dans la création. Ainsi nous le reconnaîtrons, premièrement, à l’œuvre et au poids, ensuite, à la parole ; mais jamais à l’apparence.
(MR, XXXI, 18’)

Reconnaîtrons-nous pas la parole inspirée qui retentit dans la plénitude du verbe, d’avec les paroles délirantes qui retentissent dans le vide du monde profane ? (MR, XXXIV, 66’)

Ceux qui sont choisis se sont choisis eux-mêmes en vertu du regard profond qui les éclaire à travers les écorces de la génération charnelle et corruptible, cette génération méchante. C’est un jugement infaillible : on donne à celui qui a.

Si Dieu ne nous donne pas de croire, nous ne pouvons croire par nous-mêmes […].

Nous pouvons pleurer sur les impies, nous ne pouvons pas les juger […].

(MR, XXIV, 36 et 36’)

Après les mystères du choix et de la reconnaissance, viennent ceux de la sortie du peuple sanctifié, ou plutôt, du peuple des saints, sous la conduite de Moïse, hors de la terre obscure, vers la « terre sainte où rien ne périt » (MR XXXIV, 13’). La nuit, c’est une colonne de lumière qui guide leurs pas, le jour, une nuée les couvre et les cache aux regards de leurs poursuivants (Cf. Exode, XIII, 20 à 22). La clarté qui illumine le chemin de la gnose est un guide sûr pour ceux qui la suivent après l’avoir une fois connue, mais c’est aussi pour les impies, les hypocrites et les violents, une nuée qui les aveugle et les conduit à la dissolution dans les eaux de la mer Rouge. C’est aussi pourquoi les livres saints et les enseignements des anciens sages ont au moins deux sens : un sens apparent, le vêtement d’ombre, et un sens caché, le noyau de lumière (Le sens droit et le sens sinistre). N’est-ce pas aussi cette même lumière, cet astre qui conduisit les mages d’un pays éloigné à l’enfantement du Fils de Dieu ?

Ô vous qui espérez le salut de Dieu, réveillez-vous dans le monde.

Et cherchez la lumière secrète des paroles de vie au lieu de vous contenter de leur vêtement d’ombre.

(MR, XXXV, 77 et 77’)

N’est-ce pas aussi cette même lumière secrète dont il est écrit :

Et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue (Jean, I, 4 et 5) ?

C’est pourquoi ceux qui font les œuvres des ténèbres disent dans leur nuit : Montrez-nous quelque chose et nous croirons, témoignant ainsi en faveur de leur aveuglement. Mais, nous le savons, cette lumière illumine un chemin et ce chemin mène à l’enfantement du Fils de Dieu, c’est-à-dire du Soleil de Justice, dont il est écrit, n’est-ce pas ? qu’il germera de la terre :

Qui peut différencier le feu du feu ? Qui peut manifester, incarner le soleil dans l’étoile du matin issue de la terre ténébreuse ? (MR, I, 18’)

Celui qui sème et qui récolte la lumière du soleil, possède la plus haute vertu et le plus grand trésor du monde total. (MR, III, 40’)

Ce sont les noces du Ciel et de la Terre :

Ni la morale du monde ni sa licence ne nous délivreront de la mort. La science de Dieu ne connaît pas de progrès, car elle est parfaite dès le commencement.

Seulement, l’amour incarné du Parfait qui règne dans le ciel. Et sa lumière illumine le croyant qui accorde le ciel et la terre.

(MR, XXXV, 78 à 79’)

Au sommet du Sinaï, IHVH dit à Moïse :

Tu joindras au pectoral du jugement l’ourim et le thoummim, et ils seront sur le cœur d’Aaron lorsqu’il se présentera devant IHVH, et ainsi Aaron portera constamment sur son cœur, devant IHVH, le jugement des enfants d’Israël (Exode, XXVIII, 30).

Or, ourim veut dire « lumière » et thoummim, « perfection ». C’est là le commencement et la fin, car la perfection de la lumière n’est autre que ce fruit très pesant du Soleil, cette lumière corporifiée, le corps adorable et glorieux du Fils de Dieu devant qui tous passeront en jugement, les vivants et les morts. Qui sont donc les vivants ?

Quelques élus de Dieu ont reçu, dès ce monde, le don spirituel et corporel du Très-Haut avant la fin des temps.

Ceux-là sont les enfants chéris de Dieu en qui il a mis toute sa confiance, et les grands témoins de son jugement.

(MR, XXXIV, 15 et 15’)

Le salut de Dieu est la science la plus expérimentale qui soit, car c’est la science du Dieu qui a créé le monde et les univers qui l’entourent, et celui-là ne délire pas abstraitement dans le vide !

Nous redisons la révélation énorme parce qu’incroyable : Dieu envoie son essence très sainte qui s’incarne dans la très pure substance du monde pour le salut de toute la création déchue. Comprenne qui pourra. Expérimente qui voudra.

Considérons NOËL. Pénétrons
NOËL. Imitons NOËL. Adorons
NOËL. Chantons NOËL.

(MR, XXXVII, 53 à 53’’)

Saint Augustin faisait allusion à ces mêmes mystères du jugement dans ses instructions catéchétiques au frère Deogratias :

Car il viendra dans la splendeur de sa puissance, celui qui condescendit tout d’abord à venir dans la bassesse de la nature humaine, et il séparera tous les saints de ceux qui ne le sont pas, non seulement de ceux qui auront refusé de croire en lui, mais aussi de ceux qui auront cru, mais en vain et sans fruit (De Catechizandis Rudibus, 44).

Car « la foi sans les œuvres est une foi morte » (Jacques, II, 17). Voici encore, à propos de ces mêmes mystères, un extrait du Message Retrouvé :

Comme le singe qui demeure prisonnier de la calebasse, la main obstinément refermée sur l’appât, il suffit aussi pour nous de lâcher la poignée de boue que nous étreignons stupidement dans ce monde pour être rendus à notre liberté première. Cependant, tous se moquent des singes, et nul n’entrevoit sa propre cupidité.

Mon Seigneur me demanda une fois : « Que m’apporteras-tu au jour du jugement ? » et je répondis : « Toi dans ton secret en moi ». Alors il dit : « C’est bien. Va donc, germe, mûris et porte du fruit pour ma moisson » et je pleurai amèrement d’être encore recouvert par la boue de la terre étrangère.

(MR, XX, 9 et 9’)

Un jour viendra où ce qui était caché sera découvert ; où les mystères ensevelis sous les pierres de nos cathédrales anciennes seront manifestés ; où la vierge noire qui dort silencieuse dans les cryptes humides s’épanouira de nouveau comme la neige fleurie.

Jésus dit à la foule en parlant de Jean-Baptiste :

C’est celui dont il est écrit : Voici que j’envoie mon messager devant vous pour vous précéder et vous préparer la voie. En vérité, je vous le dis, parmi les enfants des femmes il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste, toutefois, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui (Matthieu, XI, 10 et 11).

Et saint Paul dit en parlant des prophètes :

Ils ont erré çà et là, couverts de peaux de brebis et de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités ; eux dont le monde n’était pas digne (Hébreux, XI, 37 et 38).

Bien qu’ils aient erré dans ce monde, couverts de la peau de bête des enfants d’Adam, ils n’en ont pas moins cheminé comme les ânes porteurs du Saint Sacrement, chargés du trésor du roi des cieux. Ceux qui repoussent l’âne à cause de ses longues oreilles et de son poil rugueux montrent bien par là qu’ils se laissent aveugler une fois de plus par les apparences du monde.

Heureux ceux qui se souviennent que le Seigneur est né dans une humble étable, bienheureux ceux qui retrouvent sa trace dans ce monde, et très heureux ceux qui le réchauffent à nouveau comme des ânes savants.

(MR, XXXX, 16’)

Les mystères du prophétisme ne sont autres, comme le mot l’indique d’ailleurs, que ceux de la parole, cette parole qui fut communiquée à Moïse dans le buisson ardent. Mais la parole de Dieu ne revient pas à lui sans avoir germé et végété (Voir Isaïe, LV, 10 et 11 : « Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas qu’elles n’aient abreuvé et fécondé la terre et qu’elles ne l’aient fait germer, qu’elles n’aient donné la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche : elle ne revient pas à moi sans effet, mais elle exécute ce que j’ai voulu et accomplit ce pour quoi je l’ai envoyée »):

La parole de Dieu procède de son NOM et elle revient à son NOM. Elle part fluide et elle revient solide.

Le Seigneur des mondes prend corps à son tour !
Ô miracle, ô mystère, ô perfection, ô tout qui mûrit !

(MR, XXXI, 44 et 44’)

C’est ce Nom ineffable, et inouï des mortels, qui donne à toutes choses l’existence et la vie. C’est lui qui tue mais aussi qui renouvelle tout quand chante le printemps nouveau de la Résurrection. C’est aussi ce Nom qui bénit ou qui maudit suivant la façon dont il se présente à nous et suivant la façon dont nous nous présentons à lui. Car il possède un envers et un endroit. Comme le sphinx de la fable qui dévore les passants trop peu clairvoyants, IHVH nous est présenté par les prophètes bibliques, revêtu de terreur, de colère et de mort. Nous sommes les passants de ce monde et tous, quelque jour, nous aurons à répondre à la question fatidique. Que ferons-nous alors ? Il est écrit que les hommes meurent pour n’avoir pas observé les œuvres de IHVH (C’est-à-dire son Art); et pourtant ce même Dieu, chargé de colère, terrible et destructeur, n’est-il pas appelé aussi le Dieu des vivants ? Aussi les prophètes nous ont-ils parlé de ce qu’on pourrait appeler les deux faces de Dieu : ils nous ont prédit l’histoire du monde et son déroulement jusqu’à la dissolution finale ; mais, parallèlement à cela, de l’évolution de la Sainte Pierre jusqu’à sa coagulation finale ; de cette Pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient et qui deviendra pour eux une pierre d’achoppement, car ils ont bâti dans la vanité, « et ceux-là seront comme un songe », dit le psalmiste, « que IHVH dissipe au réveil » (Psaumes, LXXIII, 20); de cette Pierre enfin contre laquelle les portes du chéol ne prévaudront pas :

Dieu forme et dissout des images, mais il en sauve quelques-unes par le Fils, qui est semblable au Père. 

(MR, XX, 47)

Le piège de ce monde consiste à courir sans cesse après ses apparences trompeuses au lieu de rechercher celui qui les anime toutes, disait Louis Cattiaux. Mais le Cœur très pur et très saint qui vit au centre de toutes choses, qui pourra jamais l’atteindre s’il ne vient de lui-même dans un don d’amour ? Le Sacré-Cœur n’est-il pas entouré d’un cercle d’épines protectrices, comme le front du Seigneur ? Et combien, par trop de hâte et de violence, se sont blessés et déchirés cruellement ? Et combien sont morts en chemin de leurs blessures ? Ne faut-il pas d’abord, qu’il brûle les épines, du feu de son amour, afin que nous puissions l’atteindre dans la douceur des cendres nourricières, là où plus rien n’est combustible ? Dieu dit à Moïse, du sein du buisson ardent :

N’approche pas d’ici, ôte tes sandales de tes pieds car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. Et Moïse se cacha le visage car il craignait de regarder Dieu (Exode, III, 5 et 6).

Toutes ces choses, encore une fois, sont écrites pour notre instruction et rien n’est dit inutilement. La pureté qui permet de fouler la terre sainte et la clarté du regard, cela aussi, c’est un don d’amour.

Un maître de l’hermétisme du Moyen Âge a écrit que nous ne pouvons connaître IHVH si nous ne l’avons, à notre égard, dissous, purifié, dégagé du voile mosaïque et de l’aspect de colère, et si, par une illumination ultérieure divine, nous n’avons tiré de Dieu son cœur et son âme qui est le Christ. Cela se fait grâce à l’Esprit Saint qui purifie nos cœurs comme ferait une eau pure ; bien plus, les éclaire comme un feu divin. Et alors, le Dieu irrité t’apparaîtra apaisé.

En ce jour-là on dira : Une vigne au vin généreux, chantez-la ! C’est moi IHVH qui la garde ; je l’arrose en tous temps ; de peur qu’on y pénètre, nuit et jour je la garde ; je n’ai plus de colère. Qui me donnera des ronces et des épines à combattre ? Je marcherai contre elles, je les brûlerai toutes. Ou bien qu’on fasse la paix avec moi, qu’avec moi, on fasse la paix (Isaïe, XXVII, 2 à 5 ; cf. aussi Luc, XII, 58 et Matthieu, V, 25. Les anciens pythagoriciens faisaient allusion à cette même révélation lorsqu’ils parlaient d’une dissonance, d’une fausse note, d’un manque d’harmonie dans ce monde sublunaire. Qu’on pense à la parole de Socrate : « C’est à travailler en musique que tu dois t’efforcer ». Pour le pythagorisme, le philosophe est un parfait musicien, après avoir été longtemps bon philologue).

Et Jésus dit : Je suis la vigne et mon père est le vigneron […], je suis le cep et vous êtes les sarments […], demeurez en moi comme moi en vous […] (Jean, XV, 1 à 7).

À IÉEOÔUA

Comme ces étoiles soudainement embrasées dans la nuit du cosmos, le cœur divin éclate démesurément quand un sage pénètre jusqu’à lui (« Œuvre poétique », dans L. Cattiaux, op. cit., p. 450).

On pourrait à juste titre nous reprocher un manque de pudeur bien évident si nous rassemblions ici tous les versets du Message Retrouvé trahissant l’expérience que l’auteur a faite de ces mystères terriblement saints. Le lecteur curieux les reconnaîtra aisément au passage.

La vérité de Dieu court au-devant de celui qui la cherche avec un cœur humble et purifié.

Mais elle fuit ceux qui croient pouvoir la violenter, elle se cache de ceux qui la dédaignent et elle abandonne ceux qui la desservent.

(MR, XXXI, 12 et 12’)

Celui qui lira jusqu’au bout le Livre des contraires et qui saura les unir dans le NOM unique, double, quadruple et octuple, paraîtra sage aux sages, saint aux saints et fou aux fous.

Ainsi beaucoup ont discouru magnifiquement sur Dieu, sur ses attributs et sur sa création, mais combien ont entrevu le bout de sa robe et combien ont baisé la trace de ses pas ? Mais combien donc alors ont contemplé la splendeur de son corps, et combien, ô stupeur, ont goûté les délices de son cœur ?

(MR, XIII, 38’)

Nous nous sommes efforcé de mettre en évidence cet aspect du Message cattésien qui nous parle précisément de cette coagulation de la Sainte Pierre. Mais nous ne pouvons délaisser une autre face de son livre. Elle le rend plus proche de nous, plus accessible, peut-être : elle nous parle de la dissolution prochaine du monde présent, de ce siècle qui retourne en poussière.

Cattiaux avait inscrit en épigraphe au début de son Livre XXXIX cet avertissement donné aux petits bergers de la Salette par la dame de Lumière :

Au premier coup de son épée foudroyante, les montagnes et la terre entière trembleront d’épouvante parce que les désordres et les crimes des hommes percent la voûte des cieux.

Ce que nous avons à dire à ce sujet ne sera peut-être pas apprécié par tous ; le scepticisme en ces matières est peut-être, lui aussi, un jugement de Dieu. Le Message Retrouvé contient des prophéties nombreuses et précises sur ce qu’on pourrait appeler les derniers temps du monde actuel. Elles sont réparties tout au long de l’ouvrage. Pourtant, au printemps de l’an dernier, cette menace dut lui paraître toute proche et c’est alors qu’il écrivit le Livre XXXIX dont le ton pressant et angoissé n’échappera à personne :

Les savants officiels, héritiers et descendants des souffleurs enragés qui forcèrent les premiers le feu, la nature, les êtres et les choses, sont honorés et récompensés plus que quiconque à présent, car ils sont les prêtres de la science du maudit qui tient le monde dans ses griffes…

qui l’enchaîne sous le prétexte de l’affranchir, qui l’empoisonne sous le masque de la bienfaisance, qui l’abrutit sous la promesse de le distraire, qui le plonge dans les ténèbres en lui promettant la lumière, qui le sèvre du Dieu de vie en se faisant passer pour lui et en imposant la mort à tous.

Ce n’est pas par hasard que les démons de l’enfer sont représentés actionnant sans arrêt des soufflets de forge qui forcent le feu où brûlent les damnés.

Nous y voici, mais notre situation est tellement identique à l’image ancienne que nous ne pouvons plus connaître l’état où nous a précipités la science du malin.

Quoi de plus bête que la machine ? Et ne sommes-nous pas sous le règne de la machine aveugle et sourde ? Et n’adorons-nous pas la machine qui nous mâche bestialement ?

Quoi de plus bête que l’État anonyme ? Et ne sommes-nous pas sous le règne de la Bête aveugle et sourde ? Et n’adorons-nous pas la Bête qui nous broie aveuglément ?

Les magiciens officiels de Pharaon sont plus forts que jamais dans le monde. Ils ont seulement changé d’apparences et d’astuces, de noms et de méthodes, mais leurs prodiges stupéfient toujours le monde et le maintiennent dans l’esclavage de la mort.

La science profane a conquis même le cœur des religieux qui font alliance avec elle, sans s’apercevoir qu’elle les dévore sans pardon.

Car ils ont méprisé la science de Dieu qui s’est retirée d’eux, et ils sont ridiculisés à présent par la science du démon qu’ils adorent publiquement.

Le temps des machines commence à peine et tous sont séduits, sans s’apercevoir que les machines sont des œuvres mortes qui ne produisent que la mort.

Et tous croient se servir des machines, sans s’apercevoir qu’ils servent eux-mêmes les machines comme des esclaves abrutis par la mort.

Tous plaident la cause du rebelle à présent et vantent sa science maudite. Prêtres et incroyants, moines et laïcs, savants et ignorants, artistes et ouvriers, riches et pauvres, bien-portants et malades, bien-pensants et impies, chefs et manœuvres, tous applaudissent le feu qui va les dévorer.

Les impies disent : « Nous avons remplacé Dieu par notre science » et les croyants ajoutent : « Dieu a donné la science à l’homme pour se libérer », mais ni les uns ni les autres ne voient l’abîme ouvert sous leurs pieds ni la fumée qui monte et qui va les ensevelir pour toujours.

Ô douleur ! Notre voix est étouffée par la multitude des infirmes qui s’enfoncent allégrement dans la mort puante de l’enfer, et nous demeurons seul, sans moyens et sans secours, pour faire entendre l’avertissement ultime du Seigneur de justice qui nous envoie dans le monde, comme le grain sous la meule.

Ô punition cruelle ! Le Livre de la délivrance demeure inconnu, alors que l’ordure même est royalement financée par les riches du monde, alors que la foi morte regorge des dons des bien-pensants, alors que les œuvres de mort sont encouragées par les bien-intentionnés qui servent le démon sans vouloir le savoir.

Ô qui dira avec nous l’urgence de la repentance ? Et qui viendra nous aider à rassembler la semence du monde nouveau ?

Ô qui poussera avec nous le cri d’alarme avant que l’absurde engloutisse le monde ? Et qui priera le Seigneur de pardon, afin que le Livre paraisse avant le coup étincelant de sa foudre qui gronde ?

(MR, XXXIX, 28 à 35’ )

Il y a une différence essentielle entre voyance et prophétie. Le prophète est toujours voyant mais le voyant n’est pas prophète. Bien que les définitions de cette nature soient toujours délicates et nécessairement incomplètes, nous pouvons dire que la voyance est généralement une aptitude naturelle à voir dans le monde subtil, que les occultistes modernes appellent le monde astral, les événements futurs en gestation. C’est un rôle purement passif et, forcément, assez limité, bien qu’il puisse y avoir un grand nombre de nuances et de degrés de réalisation. C’est dans l’exercice de la voyance qu’intervient le discernement des esprits, que tous les voyants n’exercent pas avec un égal bonheur. Le voyant peut prédire mais il est incapable de prophétiser. La prophétie au contraire est un don de l’Esprit Saint : le sujet joue un rôle à la fois passif et actif car s’il communie avec la conscience cosmique, il fixe l’avenir par le simple fait de proférer la parole, et l’avenir ainsi fixé par la parole prophétique devient le fatum des Anciens (Dieu dit : « J’accomplis la parole de mes serviteurs », Isaïe, XLIV, 26).

De nos jours, des esprits éclairés comme René Guénon et Raymond Abellio (R. Abellio, Vers un Nouveau Prophétisme, N.R.F., s.l., 1953) nous ont annoncé, à la lumière des sciences traditionnelles, la fin imminente du cycle présent de l’histoire. Pour Raymond Abellio par exemple, cette dissolution du monde actuel viendra sans doute par une catastrophe de nature géologique, un nouveau déluge, analogue à ceux qui détruisirent autrefois la Lémurie et l’Atlantide. Le Message Retrouvé nous apporte un avertissement semblable :

Depuis qu’on nous menace de la fin prochaine du monde et que rien n’arrive, disent les impies, nous ne croyons plus à cette mauvaise plaisanterie. Fichez-nous la paix à présent, et laissez-nous nous organiser nous-mêmes dans ce monde qui nous appartient.

Hélas ! ils ne savent pas que les prières, les larmes et le sacrifice des saints et de leur patronne ont seuls retenu jusqu’à présent le bras de la colère de Dieu, mais le poids augmente en proportion de notre reniement de Dieu, et à présent il est énorme et il devient insoutenable même pour les plus forts.

Même les craquements de la colère de Dieu, qui balance avant de s’abattre sur le monde, ne seront pas compris par les hommes révoltés contre Dieu.

Même les grondements de la colère de Dieu qui bouillonne avant de submerger le monde, ne seront pas compris par les hommes occupés d’eux-mêmes.

(MR, XXXIX, 42 à 43’)

Mes amis, ne voyez-vous pas l’agitation de l’absurde qui s’entasse devant vous partout dans le monde en un équilibre impossible ?

Ne voyez-vous pas le reniement universel du vrai Seigneur de vie, au profit de celui qui truque et qui désincarne toute vie pour s’en repaître ?

(MR, XXXIX, 45 et 45’)

Raymond Abellio envisage dans son livre la création d’un Ordre, analogue par certains points aux grands ordres religieux de l’Église catholique, mais répondant de plus près aux exigences nouvelles. Car le problème ne consiste plus actuellement, nous dit-il, à sauver ce monde mais simplement à sauver et à rassembler le petit nombre d’hommes qualifiés pour former le nouveau monde d’après le déluge. Bien que nous ne connaissions nullement Raymond Abellio si ce n’est par ses écrits, nous avons tenu à mettre en évidence ce témoignage nouveau de la grande inquiétude qui descend peu à peu sur ceux dont les yeux sont encore ouverts.

Certains nous ont posé cette question : « L’auteur du Message Retrouvé avait-il l’intention de fonder une nouvelle religion ? » Nous répondrons qu’aucune pensée ne lui a été plus étrangère que celle-là, à cause du caractère purement profane dont elle est marquée. Il n’y a d’ailleurs jamais eu qu’une seule religion depuis le commencement du monde. L’auteur a écrit ce livre pour servir les croyants dans l’unité, et pas pour ajouter encore à la confusion des langues.

Il est impossible de parler, du reste, à propos du Message Retrouvé, de révélation nouvelle, en ce sens qu’on ne peut rien ajouter ni retrancher au donné de la révélation traditionnelle qui est complète. Ceci est d’ailleurs une tradition constante dans l’Église, et nul ne peut s’en écarter sans tomber en même temps dans les aberrations et les égarements du faux prophétisme. Il n’y a pas, dans ce domaine, de progrès ni d’évolution. Nous nous sommes efforcé précisément de montrer, autant que la chose était possible dans le cadre restreint de cette étude, la conformité de l’inspiration du Message Retrouvé avec celle des Écritures, et c’est précisément cette conformité qui la rend légitime et authentique :

Les paroles des sages sont comme des aiguillons, et leurs recueils comme des clous plantés ; elles sont données par un seul Pasteur (Ecclésiaste 12, 11).

On ne peut légitimement parler d’une révélation nouvelle que dans le sens d’un voile nouveau recouvrant le même mystère ancien qui demeure toujours éternellement identique à lui-même.

Ô pure essence incluse dans la pure substance qui gémis avec l’homme déchu, permets que le Livre qui parle à nouveau de ton amour paraisse dans le monde, afin que tes enfants endeuillés perçoivent encore une fois ton appel avant le terrible jugement qui vient.

Ô Aimée qui contiens l’Aimé, permets que le Livre de ta splendeur aimante à nouveau la multitude de tes enfants tombés dans la boue, et qui errent misérablement en se rassurant de ta promesse ancienne sans rien faire pour la pénétrer ni pour la mettre en œuvre véritablement.

Ô Père Mère Fils très saints, veuille éclairer tes agonisants avant qu’il soit trop tard.

(MR, XXXIX, 8, 8’ et 8’’)

 

Nous n’avons pas épuisé notre sujet. D’ailleurs, ce serait une tâche impossible. Nous avons cherché simplement à rendre témoignage de ce que nous avons lu et entendu. Ceux à qui l’auteur a dédicacé son livre, voudront bien, nous l’espérons, nous pardonner notre indigence. Le Message Retrouvé porte, en effet, deux dédicaces. L’une est générale, bien qu’elle ne s’adresse qu’à un tout petit nombre :

Ce livre n’est pas pour tous, mais seulement pour ceux à qui il est donné de CROIRE L’INCROYABLE.

La seconde dédicace est plus particulière ; elle touche pourtant un très grand nombre d’hommes sur notre globe : ce Message est spécialement dédié aux peuples noirs dont il annonce l’avènement dans le monde. Après avoir été si longtemps esclaves ou considérés comme des enfants en tutelle, les noirs deviendront libres, puissants et ils domineront leurs anciens maîtres. C’est pour eux, spécialement, que ce livre a été écrit, sous l’inspiration de l’Esprit.

Lorsque l’enchanteur Merlin descendit dans la Bretagne bleue pour y établir, selon l’ordre reçu de Dieu, la quête du Graal, ses alliés le reconnurent et l’accueillirent avec joie, bien qu’il fût d’origine obscure. Souvent il s’amusait à changer de forme pour mystifier les étrangers, égarer ses ennemis, mais ses amis en riaient et s’en réjouissaient avec lui, car ils savaient bien le reconnaître sous tous ses aspects : tantôt, c’était un cerf branchu, tantôt, un homme sauvage et barbu, ou bien, un jeune et frais jouvenceau. L’enchanteur était maître des formes et des apparences qui, toutes, lui appartenaient.

Mais, si le conte nous dit tout ce que fit Merlin pour le Graal, comment il en révéla l’existence et la quête aux chevaliers du roi Artus, il nous parle aussi, pour finir, de ses folles amours avec Viviane, son immortelle amie.

Où donc la chercha-t-il passionnément, et pendant combien de temps ? Dans les ruines de Komper, dans les grottes oubliées, sur les rives de Painport ?

Il la trouva quand il ne la cherchait plus.

C’était dans la forêt de Brocéliande, au bord d’une fontaine claire dont les graviers luisaient comme de l’argent fin. Son nom signifiait Rien n’en ferai (1 Corinthiens 1, 27). Dès le premier regard, Merlin reconnut Viviane et Viviane, Merlin et, l’ayant vue, il s’éprit d’elle. N’était-il pas seul, d’ailleurs, à pouvoir la voir ? Tant d’autres n’avaient fait que la regarder et passer. Il lui promit rendez-vous pour la veille de la Saint-Jean. Le conte pourtant ne nous parle guère de leurs ébats.

Il se retrouvèrent auprès de la fontaine, dans le beau verger nommé Repaire de Liesse que Merlin avait magiquement suscité pour son amie. À chacune de leurs rencontres, Merlin sentait croître son amour pour Viviane, à cause du bel accueil qu’elle lui faisait. C’était comme une aimantation de plus en plus forte. Un jour, et toujours par son art de magie, Merlin fit à Viviane un palais mystérieux au sein d’un lac, le lac de Diane. Jamais personne ne le verra « qui ne soit de sa maison » car il est invisible pour tout autre, et aux yeux de tous, il n’y a là que de l’eau. Et si par malchance, quelque brigand dérobant ce secret y voulait pénétrer par envie ou traîtrise, il se noierait en y croyant entrer.

« Par Dieu, bel ami », dit Viviane, « jamais on n’entendit parler d’une demeure plus secrète et plus belle ! »

Mais Viviane était jalouse. Elle voulait posséder toute la science magique de Merlin, et Merlin ne put se tenir de la lui enseigner peu à peu. Comme elle était « grande clergesse dans les sept arts », elle mettait tout par écrit et ne pensait qu’à enseigner. N’est-elle pas en effet, l’« Alphabet des prophètes » (MR, Litanies de la mère et du fils, 122) ?

Sire, lui demanda-t-elle un jour, il y a encore une chose que je voudrais bien savoir : c’est comment je pourrais enserrer un homme sans tour, sans murs et sans fers de manière qu’il ne put jamais s’échapper sans mon consentement. Merlin baissa la tête en soupirant. – Qu’avez-vous, fit-elle ? – Ha ! je sais bien ce que vous pensez et que vous voulez m’enfermer à jamais et voici que je vous aime si fort qu’il me faudra faire votre volonté !

Un si grand amour n’exigeait-il pas que Merlin fît les volontés de Viviane et Viviane celles de Merlin ?

Ma Dame, dit Merlin, à ma prochaine venue je vous enseignerai ce que vous voulez.

Et c’est avec tristesse que Merlin revint vers ses amis à la cour du roi Artus, car il savait que c’était la dernière fois et que bientôt, il ne les verrait plus. Aussi, quand vint le rendez-vous avec Viviane, Merlin dit au roi et à la reine qu’il lui fallait les quitter pour toujours. Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Pourtant, quand il vit que sept semaines s’étaient écoulées et que Merlin ne revenait pas, le roi se souvint des paroles que son ami lui avait dites et il demeura longtemps tout pensif et morne.

À quelque temps de là, alors que Messire Gauvain, le neveu du roi, parcourait la forêt de Brocéliande à la recherche de Merlin, il s’entendit appeler par une voix lointaine et il aperçut devant lui « une sorte de vapeur qui, pour aérienne et translucide qu’elle fût », empêchait son cheval de passer.

Las, Gauvain ! dit Merlin, vous ne me verrez plus jamais, et après vous, je ne parlerai plus qu’à ma mie. Le monde n’a pas de tour si forte que la prison d’air où elle m’a enserré […]. – Quoi, beau doux ami, dit Gauvain, vous, le plus sage des hommes ! – Non pas ! mais le plus fol, repartit Merlin, car je savais bien ce qui m’adviendrait. Un jour que j’errais avec ma mie par la forêt, je m’endormis au pied d’un buisson d’épines, la tête dans son giron ; lors, elle se leva bellement, et fit un cercle de son voile autour du buisson ; et quand je m’éveillai, je me trouvais sur un lit magnifique dans la plus belle et la plus close chambre qui ait jamais été. – Ha Dame, lui dis-je, vous m’avez trompé ! Maintenant, que deviendrai-je si vous ne restez céans avec moi ? – Beau doux ami, j’y serai souvent et vous me tiendrez dans vos bras, car vous m’aurez désormais prête à votre plaisir. Et il n’est guère de jour ni de nuit que je n’aie sa compagnie, en effet. Et je suis plus fol que jamais car je l’aime plus que ma liberté.

Nous parlions un jour de cette légende, si légende il y a, à l’auteur du Message Retrouvé.

– C’est curieux, nous répondit-il, ce que vous me dites de Viviane, car j’espère bien un jour pouvoir disparaître, dissous par la fée Viviane, et ressusciter glorieusement en elle.

Relisons sans nous lasser les paroles saintes et sages, car chaque temps sera pour nos cœurs comme une rosée toujours plus abondante et toujours plus nourrissante.

Tout l’Univers et nous-mêmes sommes ténèbres et mort sans ton amour, Seigneur.

Alors que sans notre amour, tu demeures vivant et resplendissant à jamais devant notre agonie misérable.

Ô mon Seigneur et mon Dieu, par ton amour pour nous qui est infaillible, permets que jamais notre amour pour toi ne défaille. Ô mon Roi, fais que nos faces ne se détournent plus de ta face jusqu’à ce que tu entres en nous et jusqu’à ce que nous pénétrions en toi pour toujours.

AMEN.

(MR, XXXVI, 108’’)

In R. Arola, Croire l’incroyable.